Vieillir en communauté

De nos jours, le recrutement des congrégations n’ayant pas suivi la courbe de la démographie : beaucoup de religieux et religieuses sont âgés.

De nos jours, le recrutement des congrégations n’ayant pas suivi la courbe de la démographie : beaucoup de religieux et religieuses sont âgés. La plupart sont en civil et on les remarque peu.

Les religieuses qui exerçaient une activité apostolique rémunérée sont à la retraite… Que font-elles dans leurs couvents ? Il est bien difficile de généraliser car les communautés sont différentes, et joue plus que jamais le facteur santé !

Pour en parler en vérité, il me faut donc m’exprimer plutôt sous forme de témoignage. Je le vois à la fois d’une façon descendante et ascendante.

La forme descendante est celle de l’activité. On commence par ne plus pouvoir « suivre les jeunes », qui débordent de vie et suivent un rythme accéléré… Alors, peu à peu, on commence à lâcher ceci, puis cela ; les responsabilités passent à d’autres, tant sur le plan apostolique, que sur le plan communautaire ; on regarde de plus loin. Une chance encore si on a pu rester autonome !

Un jour vient où il faut lâcher la voiture, prendre le bus gratuit… une chance encore de pouvoir marcher, et voir clair ! de pouvoir rendre service dans les papiers, l’administration, les relectures… ou à la cuisine… Puis les années passant, quand les oreilles deviennent trop paresseuses, la coupure devient plus radicale ! Et il faut se contenter de voir la vie, comme si on était à l’extérieur… Et puis, on devient irritable, on se contrarie pour un rien… De temps en temps, on perçoit un petit geste fraternel d’un plus jeune qui s’inquiète de nous, ou qui propose son aide pour nous éviter un escalier… que sais-je encore !

Alors, il faut s’habituer à l’idée qu’on a vraiment 80 ans !

Est-ce difficile ? Pour moi, je peux certifier que non.

Ma vie a été pleine de vie, de responsabilités, de joies diverses, tant au plan professionnel que religieux. J’ai eu la chance de participer à l’aventure de la construction d’une petite école, à celle de la fondation d’une communauté nouvelle. J’ai la chance d’avoir encore dans ma famille, tous mes frères et sœurs encore vivants… J’ai surtout eu la grâce d’avoir fondé ma vie sur le Christ, toujours vivant. C’est sur ce socle ancien que se déroule aujourd’hui ma vie dans sa partie ascendante.

Celle-ci est faite essentiellement de fidélité. Fidélité à la prière quotidienne, aux coutumes de la communauté, aux offices où il est convenu que je participe, aux services prévus.

Elle est faite aussi de ce qui est devenu un temps libre forcé, peuplé de lectures, de chapelets, de petits services comme le raccommodage, de temps d’intercession pour ceux qui se recommandent à notre prière ; sans compter les mots croisés, de temps en temps, pour entretenir la mémoire.

Obéir ? C’est moins difficile qu’à 40 ans ! parce qu’on a moins de vouloir-propre… Après tout, qu’est-ce que ça peut faire !

Pauvreté ? Détachement ! A quoi bon garder ce qui ne servira plus !

Ascèse ? pas besoin de chercher… Il fait trop chaud l’été ! trop froid l’hiver !… ne plus pouvoir entendre, ne plus pouvoir participer… accepter ses faiblesses…

En définitive, la vieillesse devient l’offrande en sacrifice de ce que l’on est devenu, oblation d’un pain de misère, d’une fumée d’encens… en attendant l’agrément de Dieu notre Père miséricordieux.