Une méditation sur le mystère de la Croix Glorieuse

Oui, nous voici à l’autre extrémité du réel. Ici, tout est beauté.

Selon le poète François Cheng : “le mal et la beauté constituent les deux extrémités du réel” (in “cinq méditations sur la beauté”). Si le mystère de la croix nous plonge dans l’intégralité du réel, du mal à la beauté, la Croix, en tant qu’Elle est Glorieuse, manifeste le triomphe de la beauté.

La Croix Glorieuse ouvre à l’homme le Royaume où tout le réel est Beauté. Pour mieux le comprendre, descendons dans le département des Pyrénées-Orientales…

Le Roussillon recèle des trésors d’art et de foi, en particulier deux étonnants crucifix qui peuvent nous aider à contempler ce mystère en nous invitant à regarder l’une et l’autre des extrémités du réel. Le premier est très connu, il s’agit du “Dévot Christ” de la cathédrale de Perpignan, une oeuvre qui date du XIVème siècle, une époque tourmentée marquée par la grande peste. On pense, en le voyant, aux expressions utilisées par les auteur païens pour qualifier la Croix : “infâme poteau”. En effet, Jésus crucifié est exibé de manière hyper-réaliste. Son visage, son corps, ses membres, disent toutes les souffrances à leur paroxysme et une mort atroce.

A l’opposé du “Dévot Christ”, à l’autre extrémité du réel, dans une chapelle dédiée à la Trinité, lieu d’un pèlerinage très ancien à Prunet-Belpuig, commune de la région des Aspres, on peut contempler un fabuleux crucifix roman du XIème siècle. Ici, étendu sur la Croix, vêtu d’une tunique de grand prêtre, le Christ est paisible, serein. La tête légèrement inclinée, il semble endormi. Ses lèvres esquissent un sourire. Son visage, d’une infinie noblesse, son corps, ses membres, tout respire la confiance et l’abandon. La Croix est peinte de feuilles et de fleurs. Elle est cet Arbre de Vie dont parle le livre de l’Apocalypse dans son dernier chapitre. Elle est aussi le lit des noces de Dieu et de l’humanité. D’un regard, on comprend que la mort du Christ a été tout à la fois un acte de total abandon entre les mains du Père en même temps que l’acte d’Amour par lequel Jésus a livré sa Vie aux hommes. Et déjà cette paix, le sourire confiant, ces feuilles et ces fleurs, annoncent la résurrection. Dans une même offrande, Jésus se donne au Père et aux hommes, il engendre l’Eglise, il transforme pour toujours le « bois criminel » en Arbre de Vie, en Croix Glorieuse.

Oui, nous voici à l’autre extrémité du réel. Ici, tout est beauté. Nous comprenons que voilà suggérée la réalité ultime et profonde, révélée plus particulièrement dans les derniers chapitres du livre de l’Apocalypse, celle de la beauté déjà présente et encore à venir. A l’avènement du Christ en Gloire, avènement que préfigure la Croix Glorieuse, seule la Beauté sera réelle, tout le réel sera Beauté.