Comment devenir saint?

Voulons nous devenir des saints?

En la solennité de la Toussaint, nous n’avons sous les yeux que quelques échantillons de la foule immense des saints, cette foule que nul ne peut dénombrer. Ces échantillons ont eu des trajectoires de vie si belles, si riches de signification, que l’Église nous les propose comme exemples, comme modèles, comme guides, comme intercesseurs privilégiés. Ils ont répondu généreusement à l’appel de Dieu, à leur vocation à l’Amour. Ils ont permis à l’Amour de les transformer et d’agir par eux. Voilà ce qui nous intéresse et nous pousse à poser la seule question qui vaille : voulons-nous faire partie de la foule immense, de la foule bienheureuse des saints ? Un écrivain de génie, Léon Bloy, mort il y a un siècle, écrivait cette parole profonde :

« Il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints. »

Cochon ou Saint, à chacun de choisir !

Comme il ne craignait pas les fortes images qui marquent l’esprit, il écrivait ailleurs :

 « Le bourgeois est un cochon qui voudrait mourir de vieillesse. »

Attention, le mot « bourgeois » sous la plume de Léon Bloy ne qualifie pas une classe sociale, mais les personnes qui vivent exclusivement selon l’esprit du monde. Autrement dit, la personne qui vit selon l’esprit du monde voudrait pouvoir jouir au maximum  et le plus longtemps possible de l’existence, faisant de cette jouissance le seul absolu désirable. L’inverse de ce cochon qui voudrait mourir de vieillesse est le saint qui trouve la béatitude en donnant sa vie par Amour. Alors, cochon ou Saint, à chacun de choisir ! Mais pour ceux qui choisissent la sainteté, sachez que c’est dès ici-bas, dès maintenant, que nous pouvons faire partie de la foule immense des saints et partager leur Joie.

Pauvreté de cœur: chemin de sainteté

En effet, selon Jésus, dans l’Evangile que nous venons d’entendre, il y a deux portes de la Joie ouvertes pour nous au présent : la pauvreté de cœur et la persécution à cause de Jésus. Cette dernière, des dizaines de milliers de nos frères la subissent, sur tous les continents. Leur témoignage est bouleversant. Quant à la pauvreté de cœur, elle est offerte à tous, elle est pour nous si nous la choisissons. La pauvreté du cœur, qui donne le ton aux Béatitudes, ne serait-elle pas celle qui nous permet d’accueillir toutes les autres pauvretés, de santé, affectives, relationnelles, matérielles, intellectuelles, etc. Qu’est ce que la pauvreté de cœur ? Bernanos me semble très bien la définir quand il écrit dans  Journal d’un curé de campagne:

 « C’est du sentiment de sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie. Il s’en rapporte à sa mère »

La pauvreté du cœur est la caractéristique de l’enfant de Dieu, qui s’en remet pour tout à Dieu son Père, et à Marie sa Mère. La pauvreté de cœur, c’est l’humilité. Tant que je reste appuyé sur des sécurités trop simplement mondaines : l’avoir, le savoir, le pouvoir, je ne peux pas vivre dans la pauvreté de cœur.

Comment devenir saint?

Comment faire pour devenir pauvre de cœur ? Comment devenir humble ? Comment devenir heureux du bonheur des Béatitudes ? Autant de questions semblables, auxquelles, peut-être, la décoration liturgique propose une réponse, à condition de retourner les images des saints, de les mettre face au crucifix, devant le trône et devant l’Agneau. Ils se tiennent debout avec Marie, avec la Mère Eglise, comme Marie au pied de la Croix. Et ils s’écrient d’une voix forte :

« Le Salut appartient à notre Dieu qui siège sur le trône et à l’Agneau ! »

Ils viennent de la grande épreuve, ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. La grande épreuve ? C’est l’épreuve de l’existence, la découverte du mystère de la Beauté et de l’Amour, mais aussi de l’énigme du mal, de la souffrance et de la mort. Et cette découverte se fait avec notre chair, avec notre esprit, avec notre cœur. Il est normal que des sentiments d’indignation, de colère, de révolte nous saisissent face à l’injustice, à l’humiliation, à l’égoïsme de quelques-uns qui idolâtrent le profit au point de spolier et de réduire à la misère des millions de leurs frères humains. Tout ce qui dégrade, avilit, abime la personne humaine nous blesse tous. Le grand écrivain que j’évoquais tout à l’heure, Léon Bloy, a très bien compris cela et l’a merveilleusement exprimé dans son œuvre. Il a très bien compris que le Christ est le grand pauvre, qui n’a pas une pierre où reposer la tête, qui n’a rien et qui n’est rien aux yeux du monde. Il n’est pas du côté de ceux qui réussissent, il est du côté de ceux qui ne sont rien. IL est nu, IL a faim, IL a soif, IL est l’étranger qu’on refuse d’accueillir, IL est malade, IL est en prison. C’est ainsi qu’IL est Le Rédempteur et le Sauveur. Quel mystère !

Qu’ont de commun tous les saints ?

Ils ont reconnu l’Agneau vainqueur dans l’Agneau souffrant, dans les rebuts de l’humanité. C’est à cette évidence que mène la contemplation du mystère de Jésus, Dieu fait chair, crucifié, mort et ressuscité, LUI qui n’est qu’Amour et Miséricorde. Rien aux yeux du monde, IL est tout aux yeux du Père, et c’est en LUI que le Père nous regarde et nous aime. Ses richesses, les seules qui vaillent éternellement, sont les richesses du Royaume. SES richesses, IL les distribue en abondance, elles coulent à profusion de SES plaies et de SON côté percé. Encore faut-il avoir eu le cœur saisi, le cœur touché, le cœur blessé par le Pauvre, ce Pauvre Dieu crucifié et SES enfants humiliés dans les tourments de la grande épreuve. Encore faut-il avoir pris conscience de nos fuites, de nos lâchetés, de nos duretés de cœur, pour lever les yeux vers CELUI que nous avons transpercé, et recevoir de LUI la guérison. Je voudrais terminer avec un court poème de  Claude Esteban  qui exprime fort justement tout cela :

« La nuit ne reviendra plus, on pourra marcher, toi et moi, loin des routes, chanter, dire merci à chaque feuille, on était si nus, si tremblants, qui nous reconnaîtra dans nos vêtements de lumière qui voudra dire, ceux-là sont morts, ils avaient souffert trop longtemps car nous serons debout parmi ceux qui tombent, nous qui n’avions plus rien, nous donnerons tout. »

Choisir la sainteté

C’est choisir d’être dépouillé jusqu’à la Lumière dans la nudité de notre être. Frères et sœurs, on a besoin de lumière pour voir clair aujourd’hui. Décidons-nous pour le bonheur des Béatitudes. Remettons-nous en tout et pour tout à Dieu notre Père et à Marie notre Mère.  Répandons à profusion ce que nous recevons : le Sang de l’Agneau, les richesses de l’Amour, de la Miséricorde, les richesses qui ne trompent pas et qui donnent le goût du Royaume. Amen !

 

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