le Carême : Quitter l’Égypte

A la différence des autres religions, il y a peu d’observances demandées à un chrétien . Que l’on songe aux 613 observances que pratiquent les Juifs pieux !  Est-ce à dire que le christianisme est mou, une religion au rabais, “une religion pour les faibles” (Nietzsche) ? Nullement, mais le chrétien, c’est-à-dire le disciple du Christ découvre des exigences d’un autre ordre, que je qualifierai de l’ordre de l’Amour, qui nous invitent à nous interroger :  Quelle est alors la signification du carême , et comment le vivre ?

Que signifie le carême ?

Le carême est, chaque année, le chemin qui mène à Pâques . Un chemin qui commence au pays d’Egypte, le pays de l’oppression et de la servitude, qui passe par la traversée de la mer rouge, nous emmène au désert et nous conduit jusqu’à la terre promise de la résurrection, à Pâques, et au renouvellement de la grâce de notre baptême, pour que vivante soit notre vie.

Quitter l’Egypte

L’Egypte ? C’est le dehors dont parle St Augustin, le dehors qui nous accapare, nous happe, nous possède, nous enchaîne si nous n’avons pas la distance intérieure, le recul intérieur, la liberté intérieure de qui se tient au-dedans de lui-même, dans la vérité de son être profond. Est-ce que j’habite avec moi-même, selon l’expression de St Benoît, ou est ce que je volète au gré des vents de ce monde, au gré de mes humeurs et de mes états d’âme, à la surface de mon être ?

Que de formes d’esclavage dans nos Egyptes!

les formes lourdes : les dépendances à la drogue, au sexe, à l’alcool, à la violence…

ce qui peut sembler anodin et nous lie, nous empêche d’accéder à nos profondeurs, un amour captatif, possessif, fusionnel, idolâtre d’un autre ou d‘une autre sans qui on croit qu’on n’arriverait plus à vivre ; une vie réduite à la vie professionnelle qui devient un absolu ; et puis nos compulsions et toutes ces petites chaînes qui nous lient à nos écrans, à la radio dès le réveil. C’est un bon test d’ailleurs, quel est mon premier geste le matin après avoir éteint la sonnerie du réveil ?

« La radio verse incessamment tout le flot de purin de la mélodie mondiale » F.Ponge.

ou A l’opposé : « Seigneur, quelle bonne journée on va passer ensemble ! »

En tout cas, qui que nous soyons , nous avons besoin d’être libérés et sauvés, et guidés par le nouveau Moïse : Jésus, le Christ. Le salut, en Jésus, est une libération de tout ce qui nous maintient dans nos servitudes, dans les ténèbres du péché ; une libération aussi des forces contraires qui, sans cesse, s’opposent à ce qui est vrai, à ce qui est bien, à ce qui est bon

 Voulons-nous quitter l‘Egypte ?

Sommes-nous décidés à partir ? Le point de départ est dans la réalité de mon être blessé, pécheur, et cependant assoiffé de vérité, de liberté , et d’Amour.

Sur un plan plus personnel, je peux vous partager que le déclic pour moi s’est produit en lisant un poème de Pierre Reverdy ( les blancs déserts de l’immortalité de l’âme) dont voici un passage :

 « Il n’y a plus maintenant, entre l’Amour et moi, que les stigmates livides de la mort et les empreintes fugitives du silence. Il n’y a plus, entre l’Amour et moi, que l’ étreinte glacée des poignées de mains rugueuses de l’angoisse…Ici, le sens de la solitude est passé du signe à la réalité…Ici, dans ce désert parcouru en tous sens par les caravanes de la pauvreté immortelle, il n’y a plus entre l’Amour et moi que les précipices brûlants de la douleur… »

J’avais 30 ans . Instinctivement, intuitivement, mon cœur et mon esprit ont compris que l’Amour est le nom de Dieu , que ce Dieu-Amour m’attendait, m’espérait, et que pour LE rejoindre, il me fallait passer par le désert, et aimanté par Son Amour, irrésistiblement attiré par Lui,  traverser les ravins de l’angoisse et de la mort. ( cf Ps 22 Le Seigneur est mon berger) En tout cas le point de départ se trouvait dans la réalité de mon être blessé et pécheur, comme pour chacun de nous,et dans la soif de vérité et d’Amour qui me tenaillait, qui me tenaille toujours.

Alors , prêts pour le départ ??? C’est parti !